Cancer : pourquoi l’appelle-t-on « le crabe » ?
Août 2022, par S. Audali
Les mots « crabe » et « cancer » sont liés depuis très longtemps dans notre langue. Certains utilisent le mot crabe comme synonyme du terme cancer qu’ils considèrent comme tabou ou préfèrent ne pas prononcer. D’autres y ont recours comme à un petit nom, un surnom de leur maladie qui lui donne un côté plus léger, plus intime.
Mais pourquoi donc le mot crabe ?
Etymologie
Alain Rey, linguiste et lexicographe de renom, nous apprend, dans son Dictionnaire historique de la langue française, que le mot « cancer », en français donc, est un nom masculin qui vient du latin cancer, cancri et qui signifie cancre, chancre et crabe. Le mot cancer est également la traduction du grec karkinos : qui signifie crabe, chancre, mais encore pince ou « paire de compas ». Voilà qui commence à faire résonner nos deux mots.
On remarquera aussi que le mot chancre qui désigne un parasite ou une maladie qui a la particularité de s'étendre en dévorant ce qui l'entoure et est aussi utilisé comme métaphore pour désigner une personne qui mange beaucoup, s’approche beaucoup de la signification du mot cancer.
D'où vient le mot cancer ?
C'est Hippocrate (460-377 avant J-C) qui, le premier, compare le cancer (maladie) à un crabe par analogie à l'aspect des tumeurs du sein avec cet animal lorsqu'elles s'étendent à la peau. La tumeur se présente en effet par une formation arrondie entourée de prolongements en rayons semblables aux pattes d'un crabe.
Cette comparaison est reprise ultérieurement par Galien (131-201 après J-C) qui écrit un traité des tumeurs et décrit avec beaucoup de précision le cancer du sein : "Maintes fois, nous avons vu aux mamelles une tumeur exactement semblable à un crabe. En effet, de même que chez cet animal il existe des pattes des deux côtés du corps, de même, dans cette affection, les veines étendues sur cette tumeur contre nature présentent une forme semblable à celle d'un crabe. Nous avons guéri souvent cette affection à son début. Quand elle a pris une étendue considérable, personne ne l'a guérie sans opération." (In Galien, "de la méthode thérapeutique, à Glaucon, livre II.").
Galien, on vient de le voir, mais également Henri de Mondeville puis Ambroise Paré (1509-1590) le justifient par l’aspect d’une tumeur qui présente une masse centrale d’où rayonnent des veines gonflées ou des ramifications, comme des pattes, par l’adhérence de la tumeur qui s’accroche aux tissus voisins, comme avec des pinces. Crabe, cancer ; cancer, crabe…
