Avril 2023, par D.Léotard
Le Docteur Ingrid Theunissen est gynécologue de formation. Pendant 10 ans, elle a suivi à l’Institut Bordet (Bruxelles) des patientes souffrant d’un cancer de l’utérus, elle les retrouvait fréquemment à l’occasion des échographies indispensables au suivi de leur traitement hormonal. « Il s’agissait de moments d’intimité, lors desquels je réalisais combien les vécus de mes patientes étaient divers. Cela m’interpellait, j’essayais de comprendre pourquoi certaines de ces femmes donnaient l’impression de vivre, en compagnie de la maladie certes, mais en continuant à rire, à avoir des projets et profiter des bons moments tandis que d’autres étaient complètement anéanties par la maladie. Pourquoi certaines souffraient énormément d’effets secondaires des traitements alors que d’autres pas ? » explique Ie Dr Theunissen. Elle a alors commencé à poser des questions, à demander aux patientes qui abordaient leur maladie et les traitements le plus facilement quel était leur secret. « Elles avaient toutes un secret ! Pas le même, bien entendu, mais toutes s’impliquaient à leur façon dans la prise en charge de leur cancer. Certaines par l’exercice physique ou la pratique du yoga, d’autres par l’artisanat, ou encore en recourant à la nutrithérapie, à l’homéopathie, à l’acupuncture, à la psychologie, aux massages, etc…Leur point commun, c’était de lutter contre leur maladie de manière large, dans leur vie quotidienne, de se prendre en charge en collaboration avec les soignants plutôt que de se laisser faire… » Il y avait manifestement là matière à s’interroger sur l’amélioration de la prise en charge des patients atteints d’un cancer.
Place à l’oncologie intégrative
Ingrid Theunissen décide alors de se former à certaines médecines complémentaires, dont la nutrithérapie et l’homéopathie. « Il s’agit de prendre soin des malades en ajoutant une autre approche à celle des médicaments classiques, avec parfois de bons résultats, mais de manière extrêmement sécure ! » Elle se forme ensuite à l’oncologie intégrative, c’est-à-dire une prise en charge globale des patients cancéreux, intégrant les traitements classiques allopathiques et d’autres thérapies complémentaires ainsi que diverses techniques favorisant la force de réaction physique et mentale des patients. Et en 2013, elle ouvre une consultation d’oncologie intégrative dans le cadre de la clinique du sein du CHIREC à Bruxelles.
Depuis les années 2000, les études scientifiques ont été nombreuses à s’intéresser à l’intérêt d’associer des thérapies complémentaires (dites parfois alternatives) aux thérapies classiques ; et ont montré très souvent des résultats concluants. Il ne s’agit donc pas de « remplacer » un traitement par chimiothérapie, radiothérapie ou encore chirurgical par une autre méthode, mais d’intégrer divers outils bénéfiques au bien-être, à la qualité de vie des patients, voire à leur survie. La force des preuves apportées par ces études menées dans le cadre de cancers du sein par exemple a amené la Société de Médecine Intégrative (SIO) à élaborer des recommandations pratiques sur le recours à diverses méthodes à intégrer aux soins des patients durant et après un cancer du sein.² En 2018, la très réputée Société Américaine d’Oncologie Clinique (ASCO) a même endorsé ces recommandations intégrant diverses pratiques physiques et mentales, des produits naturels ou encore des habitudes de style de vie.³ Ainsi, on peut par exemple agir sur l’anxiété, la fatigue, la qualité de vie, les effets secondaires de certains traitements, ou l’immunité en pratiquant la méditation, le yoga, la relaxation, l’acupuncture… |
« Depuis 5 ans environ, un modèle de pratique d’oncologie intégrative est proposé dans de nombreux services et maisons de soins du pays. » explique I. Theunissen. « Il s’agit de faire le point avec le patient sur sa situation particulière et de lui proposer une série d’activités, de soins complémentaires, etc…, qu’on appelle ‘’ les soins de support ‘’, parmi lesquels il va pouvoir choisir ce qui le tente, ce qui lui fait du bien, ce qui lui donne de l’énergie… et qui sont adaptés à sa situation. Lors de ces consultations, on fait également de l’éducation- santé, on explique le pourquoi des choses, et surtout on propose aux patients de faire eux-mêmes quelque chose pour mieux vivre leur maladie ou l’après maladie.»
Le Docteur Theunissen témoigne des résultats étonnants qu’elle a constatés par exemple avec l’activité physique, l’alimentation (un levier majeur d’après elle), l’acupuncture, la méditation, ou encore l’homéopathie dont elle apprécie les effets sans aucun risque et le faible coût. Mais surtout, elle se dit bluffée par la puissance, l’énergie positive dont témoigne la communauté des femmes atteintes d’un cancer du sein ! « Elles veulent se mouiller dans leur combat contre la maladie et les résultats sont là : moins de souffrance, moins de symptômes, une résilience importante et une maladie que l’on combat de mieux en mieux. C’est vraiment enthousiasmant !»
Note de la rédaction : il existe partout en Belgique des maisons de support qui proposent l’accès à des soins complémentaires aux patients atteints de cancer. Parfois, elles sont attachées à un hôpital, parfois pas. Il existe aussi des consultations de médecine intégrative privées auxquelles vous pouvez vous rendre quel que soit l’endroit où vous êtes pris en charge pour votre cancer.
BE2303284122 - 28/03/2023
² Heather Greenlee, Melissa J. DuPont-Reyes, Lynda G. Balneaves et al., Clinical Practice Guidelines on the Evidence-Based Use of Integrative Therapies During and After Breast Cancer Treatment, CA CANCER J CLIN 2017;67:194–232
³ Gary H. Lyman, Heather Greenlee, Kari Bohlke et al., Integrative Therapies During and After Breast Cancer Treatment: ASCO Endorsement of the SIO Clinical Practice Guideline, Journal of Clinical Oncology 2018 36:25, 2647-2655