L’interview du mois : Thierry Janssen
Découvrez l’interview de ce médecin belge atypique qui ne vous veut que du bien
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C’est une belle rencontre que celle du docteur Thierry Janssen, un médecin reconverti en psychothérapeute, auteur, puis formateur, au service du bien-être physique et mental de chacun d’entre nous.
Thierry Janssen, 60 ans, a étudié la médecine à l’UCL puis s’est spécialisé en chirurgie urologique. Il a ensuite pratiqué à l’Hôpital universitaire Erasme (Bruxelles), tout en exerçant une activité de recherche scientifique sur l’influence des hormones et des facteurs de croissance dans le cancer de la prostate. Le cancer, il y fut donc confronté au quotidien : rencontrer et traiter des patients qui souffrent, et constater les succès et les manquements de la médecine pratiquée dans les grands centres hospitaliers. Et puis, se poser des questions plus spirituelles, sur le sens de la vie, de la maladie, de la mort. Sur l’évolution de notre société aussi.
« J’étais un petit garçon très sujet à l’introspection et hypersensible. Très jeune, j’écoutais les gens, même les adultes, et ils me parlaient. J’ai senti très vite que je voulais devenir médecin, être en contact avec la maladie, pour soulager les autres mais aussi en poursuivant une quête spirituelle. A un moment, j’ai même songé à devenir égyptologue ou prêtre (rires). A 18 ans, je savais que je voulais être chirurgien et j’ai donc fait beaucoup d’efforts pour le devenir. Mais à l’âge de 37 ans, alors que j’allais prendre de nouvelles fonctions à l’Institut Bordet, j’ai senti que ce n’était plus ma place. J’ai pris alors un nouveau chemin à la recherche de l’esprit de la vie, à la recherche des réponses aux questions « qu’est-ce que la bonne santé ? la maladie ? » explique Thierry Janssen « J’ai ensuite commencé à pratiquer la psychothérapie, pour accompagner des malades confrontés à la maladie chronique, le cancer principalement. Leur offrir un espace de réflexion pour chercher un sens à leur expérience, le sens que l’on va donner à cette expérience de la vie, et le choix de la direction à prendre par la suite. Durant 17 ans, j’ai accompagné en consultation des personnes confrontées à l’existence de la maladie et de la mort. En oncologie par exemple, avec les chimiothérapies qui font vivre l’expérience de petites morts et de renaissances…Quand on est labouré en profondeur, cette question du sens est fondamentale, j’ai pu le constater au jour le jour. »
En 2009, le docteur Janssen tombe malade. Il comprend qu’il en fait trop, qu’il s’épuise. Mais il sait que trop de patients sont en demande d’autre chose, d’une médecine plus intégrative que celle pratiquée dans les hôpitaux aujourd’hui. Il publie son livre « La maladie a -t-elle un sens ? » et décide alors de former des accompagnants à la prise en charge globale, humaine, dans toutes ses dimensions, du malade. En 2015, il crée l’école de la présence thérapeutique à Bruxelles dans laquelle il initie des soignants à la découverte de l’être profond, à aider à chercher qui fait les choses et pourquoi on les fait, avec quel sens… Il explique :« Les soignants sont très bien formés à la médecine technique. Mais je constate un manque d’attention portée dans leur cursus et dans leur pratique à l’approche holistique et humanisée de la prise en charge des patients. On croit que l’on va soigner l’ensemble de l’individu en n’agissant qu’à un seul niveau. Je pense aussi qu’il faut réfléchir à la définition de la bonne santé et de la maladie, et me retrouve assez bien dans la définition du philosophe et médecin français Georges Canguilhem qui dit que ‘ la vie est un équilibre précaire (plus ou moins stable), une lutte permanente pour rétablir et renforcer une organisation dynamique. Selon lui, ‘la maladie est une tentative de l’organisme de retrouver un équilibre.’ Mais de manière plus générale, je constate que cette crise du sens n’est pas réservée qu’à la médecine, notre civilisation est en souffrance, cherche d’autres dimensions à son existence, on devient de meilleurs techniciens mais on souffre de burn-outs et de bore-outs. Nous pensons le monde et les autres en pièces détachées, et on les soigne de cette manière. » En 2021, il décide d’ouvrir son école à tous ceux qui le souhaitent et la renomme ‘ l'École de la Posture Juste’, le nom qui titre également son dernier ouvrage. "Durant plus de trente ans, je me suis efforcé de soulager la souffrance et de favoriser la guérison d’autrui. En tant que chirurgien, puis psychothérapeute et, finalement, accompagnant psycho-spirituel, une fonction qui, selon moi, devrait être assumée par tous les professionnels de la santé. »
Lorsqu’on est confronté au cancer se posent inévitablement des questions : celle de la mort, du pourquoi, du comment… Thierry Janssen nous livre une anecdote afin de nous faire voir les choses depuis un autre angle de vue. « Lorsque j’exerçais la chirurgie, j’avais un assistant camerounais, dont le père était guérisseur et qui voulait se former à la médecine moderne. Alors que nous opérions un patient qui souffrait d’un cancer de la vessie, durant une longue intervention, il me dit à brûle pourpoint ‘ c’est quand même une drôle de maladie ce cancer, c’est tellement vivant !’ Alors qu’il voyait mon étonnement, il continua : ‘ les cellules cancéreuses redeviennent comme des cellules embryonnaires, des cellules souches, qui ne demandent qu’à se multiplier, avec un potentiel de renouvellement énorme.’ Le cancer serait-il un signe que nous ne sommes pas assez vivants ? me demandai-je, moi qui crois que la maladie est un processus complexe, multifactoriel et signe visible d’un déséquilibre et qu’il faut se demander lorsqu’on présente des symptômes, de quel problème ils sont les messagers.
Vous qui êtes confronté au cancer, je vous encourage à vous demander ce qui n’est pas en vie dans votre corps, dans votre parcours. Quelque chose est-il bloqué ? Manque-t-il d’énergie ? De la petite flamme qui fait avancer ? Certes, cela peut être très frustrant et douloureux d’être malade, mais demandez-vous si vous pouvez faire quelque chose de cette épreuve. Même malade, on peut oser rêver, et puisqu’on est en vie, on peut tenter de voir la beauté du moment présent. La vie est impossible à contrôler, mais on peut chacun en trouver la subtilité, ne pas se mentir, lui donner de la valeur, du sens, en toute humilité. Le cancer constitue un rappel du corps mais aussi un rappel au corps. Les symptômes, parfois même causés par les traitements eux-mêmes, nous ramènent à l’intimité de notre corps. Après l’épreuve du cancer, la plupart des personnes touchées restent à l’écoute de leur corps, donnent du sens à ses signes. »
Bibliographie de Th. Janssen Le Travail d’une vie (2001) - Pocket Vivre en paix (2003)- Pocket La Solution intérieure (2006) - Pocket Vivre le cancer du sein... autrement (2006) - Pocket La maladie a-t-elle un sens? (2010)- Pocket Le Défi positif (2011) - Pocket Confidences d’un homme en quête de cohérence (2012) – éd. LLL Ecouter le silence à l'intérieur (2018) – l’Iconoclaste La posture juste (2020) – L’Iconoclaste |
Pour en découvrir plus sur Thierry Janssen et ses initiatives : https://www.thierryjanssen.com et https://edlpj.org