La poésie pour réparer les vivants
Elle n’était plus vraiment à la mode mais la poésie fait un retour en force dans le milieu médical, en dévoilant son super pouvoir pour panser les difficultés éprouvées par les patients et leurs médecins
Elle n’était plus vraiment à la mode mais la poésie fait un retour en force dans le milieu médical, en dévoilant son super pouvoir pour panser les difficultés éprouvées par les patients et leurs médecins
Nouveauté : de plus en plus de médecins envoient des poèmes aux revues médicales. En mars 2020, le Los Angeles Times publiait un reportage sur l’engouement des médecins américains pour la poésie. L’article soulevait des questions essentielles à propos du métier de soignant, en cette période de pandémie : comment vivre normalement quand on encaisse chaque jour autant de détresse, d’urgences ? Comment rester humain quand les patients et leurs familles leur attribuent le pouvoir divin de conjurer la mort ?
Ces interrogations sont au cœur des poèmes que des centaines de médecins, infirmiers et autres soignants soumettent chaque année aux revues médicales, convaincus que « la poésie est le meilleur moyen de saisir la fragilité, la ténacité et l’universalité de l’expérience humaine ». Le Los Angeles Times rappelle que l’histoire littéraire compte en effet de nombreux médecins-poètes, de John Keats à William Carlos Williams.
Le docteur Rafael Campo, de l’école de médecine de Harvard, est chef de la rubrique poésie du prestigieux Journal of the American Medical Association (JAMA). Selon lui, la section poésie est l’une des plus lues de la revue, qui reçoit 200 poèmes par mois, et n’en publie qu’un par numéro. Les textes choisis racontent par exemple la nuit passée à surveiller un patient au pronostic vital engagé ; offrant aux médecins un lieu où exprimer leur sensibilité quand l’organisation même de l’hôpital pousse à agir comme un robot ; ou en permettant d’accepter que l’on n’a pas toujours une réponse médicale à la maladie...
Persuadés que les poèmes aident aussi bien le soignant que le patient, certains chefs de service en oncologie intègrent la lecture et l’écriture de poèmes dans la formation proposée aux assistants. « Quand un traitement n’est pas possible, quand on sait qu’il n’y aura pas un autre cycle de chimiothérapie, qu’avons-nous à offrir à nos patients ? Notre humanité », conclut le docteur Rafael Campo.
Né en 1795 au nord de Londres, John Keats après des études de médecine se consacre pleinement à la poésie. À vingt-deux ans, il publie ses premiers vers. En 1819 paraissent ses célèbres odes. Hélas, la tuberculose l’affaiblit de plus en plus. Il part à Rome, et s’y éteindra en 1821.
Longtemps hésitant entre la médecine et la poésie, John Keats n’avait guère eu qu’ironie et méfiance pour les choses du sentiment lorsqu’il s’éprit de Fanny Brawne, la fille de ses nouveaux voisins de Hampstead. De cette liaison difficile – ils seront fiancés mais jamais époux –, il nous reste trente-sept lettres, écrites au cours des deux dernières années de la vie de l’écrivain, juste avant et pendant la maladie qui devait l’emporter à l’âge de 25 ans.
Dans ce qui fut pour Keats un temps d’assombrissement et d’amertume, l’amour devient à la fois révélation et désastre, nectar et poison ; le poète trouve dans sa passion la réalisation possible d’un idéal de beauté qui le hantait, mais aussi la source d’une vulnérabilité qui l’éloigne encore davantage d’un monde dont il ne se satisfait plus. La sensibilité de John Keats a fort heureusement réussi à traverser deux siècles pour parvenir jusqu’à nous, et sa poésie qui ne meurt jamais continue de nous enchanter.
« La mer de ma vie a été pendant cinq ans à sa marée basse ;
De longues heures ont laissé rouler le sable par flux et reflux ;
Depuis que je fus enlacé dans les rets de ta beauté,
Que je fus séduit par le dégantement de ta main.
Et maintenant je ne fixe plus le ciel à minuit,
Sans que m'apparaisse la lueur de tes yeux restée vivace en moi ;
Jamais je n'admire la couleur d'une rose,
Sans que mon âme prenne son élan vers ta joue ;
Il m'est impossible de regarder une fleur en bouton,
Sans que mon oreille passionnée, en pensée à tes lèvres,
Et guettant un amoureux soupir, se rassasie
De sa douceur en sens inverse: - Tu éclipses
Avec ton souvenir toutes les autres délices,
Et mélanges de chagrin mes plaisirs les plus chers. »
J. Keats publiait également de très courts textes philosophiques et phrases issues de ses réflexions.
« Rien ne devient réel avant qu'on en ait fait l'expérience - même un proverbe n'est pas un proverbe avant que votre vie n'en ait donné un exemple. » J. Keats
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