Témoignage d’une dômette
Sophie a participé au défi « 10 femmes pour un 4000 », nous l’avons rencontrée 10 ans plus tard
Sophie a participé au défi « 10 femmes pour un 4000 », nous l’avons rencontrée 10 ans plus tard
Une dômette, c’est une femme qui a relevé le défi d’atteindre le mont des Ecrins à 4000 mètres d’altitude, après avoir souffert d’un cancer. Cette aventure a d’ailleurs fait l’objet d’un film "10 femmes pour un 4000"
Nous avons rencontré Sophie Winand, qui y a participé il y a bientôt 10 ans et nous parle de son parcours.
Sophie, 41 ans, mariée et mère de 2 enfants, enseigne le Français dans la région namuroise et nous raconte. « En janvier 2012, j’ai senti par hasard un petit « grain de riz » dans un de mes seins. Je n’étais pas très affolée : on n’a pas un cancer du sein à 30 ans ! Mais mon médecin généraliste m’a envoyée faire une échographie, suivie d’une biopsie… et m’a annoncé le verdict. La première chose à laquelle j’ai pensé, c’est à mes longs cheveux, comment ferais-je sans ? Puis vient le volcan des émotions, comment allais-je faire avec mes 2 petits bouts de 18 mois et 4 ans ? Très vite, mon traitement s’est mis en place : chirurgie pour enlever la tumeur, chimiothérapie puis radiothérapie. Le plus dur, ça a été les effets secondaires des chimiothérapies, j’étais chaque fois sujette à des nausées et vomissements terribles durant une semaine qui me clouaient au lit. J’étais plutôt optimiste par rapport à ma maladie mais je me suis dit que c’était ça qui allait me tuer. Quant à mes cheveux, que j’ai bien sûr perdus, j’avais acheté une belle perruque pour les remplacer mais je ne l’ai portée qu’une fois. Je ne retrouvais tellement pas mon visage ainsi coiffé que je l’ai remplacée par des turbans et des foulards. Au début, je n’osais pas me regarder dans le miroir, mais on s’habitue, on doit continuer à avancer… La chose que j’ai retenue de cette époque, c’est qu’il faut oser parler- se plaindre des effets secondaires des traitements, on peut pleurer si on explique pourquoi, et on ne doit pas avoir peur de demander de l’aide au personnel soignant pour mieux tolérer les traitements. Pour moi, l’acupuncture pratiquée par un médecin a été d’un grand secours et c’est mon oncologue qui me l’a conseillé après que j’aie osé me plaindre de mes nausées insupportables.
Mes séances de radiothérapie terminées, j’ai repris le travail à mi-temps et me suis dit : OK, c’est fini…et quoi ? Les médecins m’avaient déclarée en rémission mais le risque d’une récidive planait toujours comme une épée de Damocles, j’ai souffert aussi d’un manque d’informations, de préparation à cette période de l’après… je me suis sentie un peu abandonnée même si j’étais hyper-contrôlée. L’entourage aussi oublie vite, la rémission, c’est une page que l’on peut tourner…
Lorsque j’ai entendu parler du défi des dômettes, je me suis dit « c’est ce qu’il me faut ». Je n’étais pas une grande sportive et n’avais pas d’expérience de la haute montagne. Nous avons bénéficié avec mes compagnes d’aventure d’un entraînement spécifique durant 6 mois. C’était nécessaire, certainement pour les femmes plus âgées et non habituées à l’activité physique mais aussi cela a déjà tissé des liens forts entre nous.
Et puis vint la fin juin, et cette fantastique aventure ! Une expérience indescriptible, une merveilleuse histoire de paysages superbes, de moments d’efforts intenses pour relever un défi, des rencontres magnifiques avec des guides et des accompagnateurs mais surtout avec celles qui se soutenaient entre elles, qui partageaient en toute humilité leur vécu commun. C’est un lien indéfectible qui s’est créé, on a encore toujours besoin de se revoir et on sait qu’on sera toujours là les unes pour les autres. Le décès de l’une d’entre nous a d’ailleurs été une épreuve terrible. Et puis, j’ai continué à faire du sport, je me suis mise à courir car mon médecin m’avait dit que l’exercice physique « cardio » est bénéfique pour la santé et maintenant je profite aussi du plaisir mental de mes joggings, je fais des trails, j’ai participé à des marathons… »
Ce que mon cancer a changé ? Ce sont de petites choses tout d’abord car on a tendance à retrouver sa routine, on est rattrapé par le quotidien mais je suis donc devenue une sportive. Puis, avec le temps qui passe, les enfants qui grandissent, on y repense, on réfléchit et on sait qu’il faut profiter de la vie à chaque instant. On connaît la valeur inestimable de la santé face aux petites raisons de râler ou des rêves inaccessibles. Dans mon cas, l’épreuve du cancer a sauvé mon couple, nous avons fait face à deux, mon mari s’est occupé de moi et de nos enfants. Mes parents et beaux-parents aussi étaient là pour, chacun à sa manière, me soutenir. Et puis j’ai fait un tri parmi mes amis.
Souvent, je me demande quel est le sens à donner à cette épreuve. Je n’étais pas au top mentalement avant de tomber malade, aujourd’hui, je trouve du positif à mon expérience, certaines priorités ont changé. »